Sommaire
- D’où vient la théorie du chien dominant?
- Que penser de cette théorie ?
- Du loup au chien
- La notion de ressource de haute valeur
Il est très fréquent de s’entendre dire que notre chien est dominant par ce qu’il déclenche les bagarres ou qu’il est soumis par ce qu’en cas de conflit il bat en retraite ou se met sur le dos. Cette croyance peut influencer notre manière de nous comporter avec nos animaux en voulant à tout prix rétablir la hiérarchie pour être le chef de meute. Il est temps de démystifier cette croyance.
D’où vient la théorie du chien dominant?
Elle nous vient d’une étude effectuée dans les années 30 sur des loups captifs. Son objectif était de démontrer, il existe une hiérarchie pyramidale au sein de la meute. Ainsi il apparait que les individus sont en perpétuel conflit pour gravir les échelons de cette organisation et ainsi parvenir à plus de privilèges en lien avec les besoins primaires (alimentation, reproduction, sommeil). Cette étude a donné naissance au concept du loup Alpha. Le statut de ce dernier n’est pas très enviable puisqu’il doit constamment se battre pour maintenir sa place de chef et au moindre coup de mou il peut être détrôné.
Cette observation a été appliquée à de nombreuses espèces, dont les chiens et elle a donné du grain à moudre aux partisans de la méthode d’éducation coercitive.
Que penser de cette théorie ?
Dès les années 70, des chercheurs ont pu mettre en avant un certain nombre d’incohérences permettant de remettre en cause le bienfondé de cette théorie.
En premier lieu le fait qu’elle ait été menée sur des animaux privés de liberté, or les observations faites sur les loups sauvages ont montré que l’organisation est toute autre. Les loups vivent en groupe familiaux (2 parents et moins de 3 louveteaux) dont les rapports privilégient le jeu et le partage et non pas les conflits. L’apprentissage se fait par le biais de rituels dont celui de soumission.
De plus, les loups captifs n’étaient pas issus de groupes familiaux, et les observations étaient principalement réalisées pendant le nourrissage… Imaginez que le voisin que vous ne connaissez pas vienne vous chiper votre rôti de 7h qui sort du four….
En partant du principe que nos chiens domestiques ne vivent pas exclusivement en groupe familial et qu’ils ne doivent pas se battre pour manger, il est difficile de leur appliquer le mode de hiérarchie des loups sauvages ou captifs.
Du loup au chien
Le chien s’est différencié du loup il y a quelque 27000 ans, et depuis il a eu le temps de se métamorphoser, d’un point de vue physique, cognitif et comportemental. En se rapprochant de l’homme il a acquis plus de sécurité, il est devenu plus sociable envers ce dernier mais aussi plus dépendant. Certes il est moins stressé puisqu’il n’a plus à se soucier de sa nourriture, mais il a aussi perdu sa capacité à communiquer avec ses congénères pour se focaliser sur ses humains.
La notion de ressource de haute valeur
Il n’existe donc pas de « Chiens Alpha » qui s’accorderait plus de privilèges que les autres, les chiens n’ont pas évolué dans ce sens. La plupart du temps les chiens domestiques qui vivent dans nos foyers ne sont pas issus d’un groupe familial, il s’agit d’individus étrangers que l’on a forcé à vivre ensemble, ils doivent donc cohabiter en essayant de trouver un modus vivendi stable en réduisant au maximum les conflits.
Les chiens montrent cependant des préférences pour certaines ressources qu’elles soient matérielles (couchage, jouets, nourriture…) ou immatérielles (contact avec certains humains ou animaux). De ce fait les bagarres peuvent apparaitre lorsqu’il y a un conflit pour la même ressource, ou lorsque les codes de communication canines ne sont pas acquis.
A l’instar des humains, les chiens peuvent avoir leurs humeurs et leurs têtes, de plus, leurs réactions évoluent en fonction de leur âge, de leur état de santé physique et mental et de leur environnement (rassurant ou stressant).
L’agressivité compulsive ne fait pas partie de l’éthogramme normal du chien, c’est une réaction à un mal être. Aussi, vouloir le soumettre pour le « remettre à sa place de chien » n’est pas la solution, il faut avant tout creuser pour comprendre l’origine de ce comportement (génétique, éducation, traumatisme, développement…).
Dans la nature les combats sont ritualisés aboutissant presque systématiquement par la posture dite de soumission que l’un des deux adoptera pour stopper l’interaction et éviter d’être blessé. Cela ne veut pas pour autant dire que celui qui cède du terrain cette fois ci est soumis et qu’il « s’écrasera » à chaque affrontement. Lorsqu’un loup se soumet c’est qu’il l’a décidé, un peu comme nous lorsque nous choisissons nos combats.
Il ne s’agit en aucun cas d’une soumission imposée, contrairement à ce que les principes de l’éducation canine coercitive, encore trop souvent utilisés, requièrent.
En effet, il est malheureusement encore trop courant d’entendre dire : « Votre chien a grogné, il est dominant, il faut le soumettre ». Si, avec des méthodes musclées, voire violentes, le chien ne réagit plus par l’agressivité, ce n’est pas par ce qu’il a compris, c’est par ce qu’il a peur de vous ou qu’il est résigné (détresse acquise). On est loin du lien de confiance et de respect réciproque que la relation humain-chien doit promouvoir.
Pour comprendre pourquoi un chien grogne, il faut avant tout vérifier qu’il ne souffre pas de pathologie, de blessures ou de douleurs (articulaires, organiques, osseuses…).
De plus il faut faire une analyse éco-éthologique : étude de l’influence du milieu incluant les individus d’une même espèce ou d’espèces différentes, sur le comportement. Il faut donc prendre en compte son histoire, l’environnement dans lequel il a grandi, celui dans lequel il est, sa lignée…. La plupart du temps avant de mordre, le chien a envoyé des signaux que l’individu n’a pas su décrypter ou voulu entendre….
J’ouvre une parenthèse sur une méthode qui peut être utilisée sur un chiot n’ayant pas acquis les auto-contrôles. Les raisons à cela sont multiples : il n’avait pas de fratrie, sa mère était absente ou défaillante, ou il n’est pas resté suffisamment longtemps avec sa mère et sa fratrie. D’où l’importance de ne pas acquérir un chiot qui a moins de 2 mois lorsque ce dernier a sa cellule familiale… Pour calmer un chiot qui ne sait pas s’arrêter, il est possible de le maintenir quelques secondes sur le flanc, doucement mais fermement et sans crier. Ce faisant vous reproduisez ce que sa maman aurait fait pour stopper un chiot turbulent et éviter que les bagarres ne conduisent à des blessures. Il ne s’agit pas là de le soumettre, mais de lui apprendre à contrôler ses mouvements et acquérir le signal d’arrêt. L’arrêt doit faire partie de toute séquence comportementale.
Ainsi, si l’on accepte de voir au-delà de la théorie du chien dominant / soumis les méthodes à appliquer sont plus subtiles, elles sont spécifiques à chaque situation. Il faut prendre le temps, observer, analyser, récompenser les petits progrès et faire preuve d’empathie en regardant la situation avec les yeux du chien. Personnellement je trouve cela beaucoup plus enrichissant et valorisant.