La détresse acquise chez les animaux
Origine
Cette notion a été mise en avant par les travaux d’un chercheur en psychologie américain Martin Seligman en 1975 en reprenant les expériences réalisées par Skinner sur le conditionnement opérant (voir l’article Le clicker : Qu’est ce que c’est ?).
Je vais passer le détail des expériences pour aboutir aux conclusions de Seligman :
- le traumatisme réduit la motivation à répondre
- les expériences traumatiques interdiraient l’apprentissage de nouvelles réponses.
Définition
La détresse acquise[1] est un état d’impuissance permanente et générale qui résulte du vécu d’un être vivant, humain ou non humain. Ce sentiment est provoqué par le fait d’être plongé, de façon durable ou répétée, dans des situations hostiles (stress, peur, souffrance psychologique, douleur physique…), sur lesquelles l’individu ne peut agir et dont il ne peut se soustraire.
Cet état de détresse est cliniquement semblable à la dépression.
[1] On parle également d’impuissance acquise, ou apprise ou encore de résignation acquise.

Pourquoi parle-t-on de détresse acquise avec nos animaux ?
Les méthodes de dressage coercitifs (pour moi il ne s’agit pas d’éducation), uniquement basés sur les punitions positives peuvent engendrer ce genre de réaction chez l’animal.
Si l’animal n’a aucun moyen d’éviter la punition positive (s’il est coincé, attaché, si la douleur est déclenchée à distance…), si cette dernière est violente, répétée, si elle dure dans le temps, si elle survient systématiquement en réponse à l’expression de comportements normaux inhérents à son espèce (lorsque le chien aboie, lorsque le chat fait ses griffes…) il deviendra passif ce qui peut faire penser qu’il est calme et obéissant.
En fait l’animal a appris à ne plus réagir pour éviter la punition, l’intimidation, la peur ou le conflit, il a compris qu’il est inutile d’essayer de lutter contre puisqu’il n’y a pas d’échappatoire, donc, « il attend que ça passe »,il est résigné. Dans cette situation il n’y a plus aucun apprentissage possible.
Situations pouvant engendrer de la détresse acquise
Voici quelques exemples
- Le chien à qui on impose la cage toute la journée
- Un animal qui port un collier à décharge électrique (anti-fugue, de rappel ou d’aboiement), étrangleur sans boucle d’arrêt ou dont les pointes sont tournées vers le corps de l’animal.[1]
- Le chien qui est réprimandé lorsqu’il exerce un comportement naturel par exemple flairer, creuser etc…
- Le chien « meuble » à qui l’on ne porte pas d’attention
- La maltraitance passive ou négligence lorsque l’on ne répond pas aux besoins fondamentaux de l’animal (voir l’article sur Les besoins fondamentaux des animaux)
- Le chien qui est puni dès qu’il manifeste un comportement de mal être en grognant. Dans ce cas, il pourra devenir agressif et mordre sans prévenir, car son état d’inconfort qui se manifestait par l’émission de tout un panel des signaux d’apaisement (voir article Les signaux d’apaisement) aura été ignoré, et les signaux inhibés par un dressage coercitif.
[1] En janvier 2023 les députés ont approuvé à une quasi-unanimité la proposition de loi visant à interdire la maltraitance sur les chiens et les chats par l’utilisation de colliers étrangleurs et électriques. Elle prévoit que tout contrevenant s’expose à une amende de 750 €, pouvant atteindre 3 750 € en cas de récidive ou pour les professionnels du dressage. Depuis Janvier 2023, elle est à l’étude par les sénateurs…

Voici un exemple de résilience que j’ai pu observer au cours de mon expérience de responsable de refuge animalier :
Le pouvoir de résilience des animaux

Les animaux ont une capacité de résilience (vaincre des situations traumatiques) hors du commun. Il est en général, tout à fait possible, de rattraper une éducation excessivement coercitive par le biais d’une éducation positive. Ce type de méthode permet de lui redonner confiance en lui, de lui montrer qu’il a de nouveau le pouvoir de contrôler son environnement, de s’exprimer, et de lui montrer que tous les humains ne sont pas malveillants.
L’éducation positive permet de réaliser de nouveaux apprentissages, s’adapter aux nouvelles situations, trouver des comportements alternatifs…
Les animaux fonctionnent comme nous, ils possèdent un circuit de la récompense qui active la libération de dopamine procurant un afflux de plaisir.
Ce qui fonctionne pour les humains est valable pour les animaux à savoir :
- Réussir (arriver à ses fins)
- Être félicité pour son succès (friandise, paroles chaleureuse, caresses consenties, jeux…).
Ce sont justement les outils du renforcement positif utilisé (voir l’article Renforcements et Punitions)
Ce qu’il faut retenir sur la détresse acquise
Comment la détecter ?
- En étant témoin de cas de maltraitance et ou de dressage coercitif
- En observant des situations illogiques.
Exemple : Imaginez un chien qui n’a jamais vu de voiture demeurant impassible lorsque pour la première fois il est immergé en ville. Cette absence de réaction, de curiosité doit nous alerter. Cela ne veut pas forcément dire qu’il souffre de détresse acquise, mais c’est un signal qu’il ne faut pas négliger.
Calme ne veut pas toujours dire serein :
Le calme et l’absence de réaction induits par la détresse acquise ne devraient être l’objectif à atteindre. Un animal doit pouvoir exprimer librement les comportements inhérents à son espèce (voir l’article sur les Besoins fondamentaux). S’il n’a aucune réaction quel que soit le stimulus, c’est qu’il n’ose pas s’exprimer, il craint une conséquence négative. C’est un état de stress permanent qui, s’il est prolongé, sans aucune forme de répit, aura des conséquence physiques et psychologiques.
Guérir d’une détresse acquise, c’est possible mais pas simple :
La détresse acquise est un état qui peut être temporaire si la situation qui l’engendre n’est pas entretenue.
Néanmoins il est possible de l’entretenir même de manière involontaire.
Lorsque l’on essaie de sortir l’animal de cet état, les comportements non désirés vont naturellement réapparaitre.
Ce n’est pas un retour en arrière, au contraire c’est ce qu’il faut obtenir. Cela veut dire qu’il choisit de réagir, il ose s’exprimer ; un peu comme si on retirait une camisole chimique. Si les comportements indésirables resurgissent, c’est simplement qu’ils n’avaient jamais été traités de la bonne manière.
Comment éviter la détresse acquise
- Permettre à votre animal de faire des choix avec le conditionnement opérant (le clicker qu’est ce que c’est? et le clicker comment l’utiliser ?)
- L’éduquer avec des méthodes positives ce qui implique entre autre d’abolir voire de limiter au maximum les punitions positives
- Les contacts doivent être consentis et la zone de confort respectée.
- Observez et comprenez les signaux d’apaisement.
- Respecter ses besoins
Conclusion
La détresse acquise est un concept très important et très intéressant pour comprendre certains modes d’éducation et de rééducation. Comprendre sa mise en œuvre permet d’améliorer les conditions de vie des personnes dépressives ou souffrant de Trouble de Stress Post-Traumatique
Ce concept est facile à comprendre, mais également facile à déformer. La désinformation à son propos est relativement commune en éducation canine. Je vous conseille la prudence lorsque vous vous informez à ce sujet, veuillez à faire preuve d’esprit critique et si vous avez un doute sur une méthode, placez-vous du côté de l’animal.
Apprenez à analyser à observer pour mieux comprendre ses comportements.
Je sais que vous savez que pour moi :